Ce célèbre dessin de jeunesse de Watteau évoque l’évolution du métier de barbier : en plus de raser, de couper et de coiffer les cheveux, les barbiers ont dû devenir perruquiers avec l’essor, sous le règne de Louis XIV, de la perruque masculine. Si son port ne concerne d’abord que les nobles, il se généralise au XVIIIe siècle à l’ensemble de la société. Comptant 700 membres sous la Régence, la corporation des maîtres barbiers-perruquiers de Paris est l’une des plus riches de la capitale, bénéficiant du droit de coiffer les hommes, tandis que la coiffure des femmes était réservée aux coiffeurs. Les hautes et volumineuses perruques du Grand Siècle, à grandes boucles retombant sur les épaules, comme le montre encore Watteau, se simplifieront et seront poudrées à partir de 1715.
Doué du sens de l’anecdote, Watteau représente l’intérieur animé d’une boutique : un homme vient choisir une perruque, un autre en ajuste une devant un miroir tandis qu’un troisième se fait raser. Comme dans une scène de théâtre, le décor
est fermé de lourds rideaux et de piédestaux présentant des perruques sur têtes de bois, tandis que d’autres sont accrochées au fond de la boutique sur des patères. Le format oblong du dessin suggère le projet d’une enseigne, dans la tradition des devantures peintes établie depuis la fin du XVIIe siècle. Parmi les premiers dessins sûrs de l’artiste, cette feuille trahit des références à son maître Claude Gillot, par un style encore schématique, le canon effilé des figures, les traits des visages à peine esquissés et de grandes hachures pour les ombres.
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